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Les heures de gloire des « maisonnettes »

Jacqueline Bousquet
Les heures de gloire des « maisonnettes »
Les heures de gloire des « maisonnettes »
Par Jacqueline Bousquet

En pays de Mirepoix, qui ne connaît pas la Voie Verte ? Sans doute les fans de voiture et de moto !
Seuls, les (très) anciens comme moi se souviennent de la voie ferrée ; qu'elle fut bordée de "maisonnettes", de passages à niveau à chaque croisement de routes, de gares et de stations.
Toutes identiques, elles sont encore bien reconnaissables à leur solide architecture, construites ainsi que les voies, par la Compagnie du Midi, propriétaire et exploitante de presque tout le réseau ferré du Sud de la France jusqu'à sa nationalisation en 1936 où elle devient alors la S.N.C.F.
Il n'allait pas très vite ce train mais il ajoutait de la vie à chaque village qu'il desservait et son joyeux coup de sifflet rivalisait avec les cloches des églises, pas toujours à l'heure, car il était d'une rigoureuse exactitude sur ses horaires !
Même une grande barrière pouvait vous faire régler votre montre pendant que vous attendiez qu'elle ouvre, le train passé, la très lourde barrière à croisillons.
Pourquoi était-ce toujours des femmes à cette manœuvre ?
La réponse est là : c'est l'horrible drame de 1914-1918 qui fit tant de veuves de "cheminots".
Souvent sans ressources, avec des enfants à élever, elles furent secourues par la Compagnie en leur donnant un travail.
Des postes de garde-barrières ou de chef de station qui leur permirent de vivre décemment en étant salariées et logées.
Ce fût le cas de ma grand-mère, en 1916, veuve à 33 ans de mon grand-père, employé de la Compagnie du Midi de son vivant.
Ariégeoise de longue lignée, elle choisit la station de Lagarde plutôt qu'un poste en banlieue de ville qu'on lui proposait aussi mais sans terrain autour.
Avec deux garçons, 9 ans (mon père) et 4 ans, elle estime que le grand jardin qu'elle pourrait cultiver de légumes et de fleurs lui permettrait de "s'en sortir encore mieux". Elle assura son service jusqu'en début 1939.
Si, de nos jours, toutes ces gares, stations, maisonnettes sont joliment entretenues par d'heureux acquéreurs lorsque la S.N.C.F. les mit en vente, après la fermeture de la ligne, il en est une qui me chagrine beaucoup tant elle est négligée, au bord de la ruine : la station de Lagarde où ma grand-mère passa 22 ans de sa vie à la bien tenir, autant dedans que dehors.
Quand vos pas vous amèneront devant, sachez et retenez que cette triste bâtisse, eût pourtant et grâce à sa "chef de station", son heure de gloire.
En 1931, le Tourning Club de France organise le Concours National de "La Gare Fleurie" et décerne le premier prix à la Gare de Lagarde, Ariège, diplôme à l'appui !
Pour la plus grande fierté de ma petite et vaillante grand-mère, Clémence Bousquet (1883-1979).