Besset : deux tableaux particuliers

deux tableaux particuliers
Clic sur l'image Agrandir
+ 3 images

L'église de Besset abrite deux tableaux du XVIIe siècle : La Mise au tombeau et La Nativité.

 

La Mise au tombeau, non signé, datable dans la fourchette temps 1587 – 1630.
162 x 200cm, anonyme (pour l’instant)

Dans le coin inférieur droit, on lit les armes de Pierre Bonsom de Donnaud, évêque de Mirepoix de 1587 à 1630.
Inscrit depuis le 9 novembre 1999 à l’inventaire du patrimoine protégé, au titre des monuments Historiques, sous le titre de « Mise au tombeau du Christ », ce tableau peut être la « Descente de Croix », signalée en 1669 comme donnée par le marquis de Mirepoix aux Trinitaires, puis accrochée dans la chapelle de la Compassion de l’église cathédrale de Mirepoix, selon un article écrit en1909 par le chanoine François Robert.

Sont présents Joseph d’Arimathie, Nicodème, Marie, Jean, Marie Madeleine et Marie Cléophas. Au premier plan, un Maure (Sarrasin), grand et massif,  vêtu de rouge, prend soin du corps du Christ. La présence peu habituelle de ce personnage dans la représentation de la Mise au tombeau nous renvoie à la même scène, peinte bien des années auparavant par Le Titien.

Jérusalem n’est pas représentée dans le décor ; trois croix vides rappellent que la Crucifixion s’est déroulée en un lieu appelé « Calvaire ».

Le Christ est représenté tête tombante, sans la couronne d’épines, sans les souillures de la Passion, étendu sur un linceul. La souplesse des membres inférieurs montre l’influence du mouvement pictural maniériste. Un portique de pierre naturelle et le paysage sombre évoquent le Sépulcre mais aussi la clarté de l’au - delà. Les couleurs sombres traduisent des influences du Caravage et  de Rubens.

 

La Nativité, François Saissac, 1664
«SAISAC me fecit 1664». (162 x 200cm. Inscrit depuis le 9 novembre 1999 à l’inventaire du patrimoine protégé, au titre des monuments Historiques, sous le titre de « Nativité » ; la date de la notice d’inscription est « 1661 » , en réalité, 1664.)

De François SAISSAC, deux autres tableaux sont connus: « Présentation de Jésus au Temple avec Siméon et Anne », 1659, église  Saint-Polycarpe, Aude, et « Vierge couronnée à l’Enfant avec saint Eutrope, saint Jean Baptiste, saint Roch et saint Jacques », 1669, église de Rieux – Minervois.

Sous un envol d’anges et d’anges musiciens, sous le phylactère «gloria in excelsis Deo», c’est une scène composite aux couleurs soutenues. Le personnage principal est la Vierge Marie en robe rouge et manteau bleu. A sa gauche, Joseph se tient en retrait. En face, Jean le Baptiste adulte, agenouillé, est vêtu de sa mélote. De nombreux  personnages entourent la Sainte Famille, dans des attitudes orantes. On aperçoit les têtes du bœuf et de l’âne. Dans la partie inférieure du tableau, l’agneau du Christ ou du Baptiste est couché au sol, les pattes entravées d’un lien rouge ; auprès de lui, un livre ouvert et une  fleur de lys.Sur la page de gauche du livre, on peut lire « O IESUS QUID FECISTI ». (5e parole de Marie, au Temple, quand elle retrouve Jésus perdu depuis trois jours.) Sur la page de droite, des lignes ondulées simulent un texte et trois lettres forment le mot « EGO » en acrostiche. (St Luc, 1, 48).

Les trois tableaux connus de François Saissac montrent l’enfance de Jésus et se réfèrent à l’évangéliste saint Luc. (cf. Académie de Saint – Luc, créée en 1649 pour peintres et sculpteurs).

C’est une « Nativité » traditionnelle mais aussi la prolepse du parcours christique : le lange est le linceul, la mangeoire est le catafalque, l’enfant nu est l’homme mort, à la fois l’alpha et l’oméga. L’intérêt majeur du tableau est le cordon ombilical de l’Enfant Jésus.Dans son livre « Le détail », l’historien d’art Daniel Arasse étudie le tableau « Nativité », (1527 ou 1528), de Lorenzo Lotto, Sienne, Italie.  Ce tableau est considéré comme « unicum » car le seul au monde à représenter l’Enfant Jésus avec un bout de cordon ombilical. Le tableau de François Saissac serait donc un second exemple, sur ce sujet précis. Importance capitale de ce « détail » : Une explication succincte : le pape Clément VII a demandé à Lorenzo Lotto de peindre sa « Nativité » avec un Enfant Jésus révélant son cordon ombilical, car ce cordon était la relique la plus précieuse de la chrétienté à ce moment – là et venait de disparaître au cours du Sac de Rome par les armées de Charles – Quint. Semblable foi devait animer le peintre ou l’évêque commanditaire, même si la situation historique était différente.

Pendant son épiscopat, Louis Hercule de Lévis Ventadour  (1655 – 1679) achète, pour la cathédrale Saint – Maurice de Mirepoix, de nombreuses reliques et reliquaires (documents d’archives). Il a œuvré pour promouvoir le culte des reliques, ce qui justifierait une commande aussi précise auprès d’un peintre.

Aucun renseignement biographique n’est encore connu pour François Saissac. Son style naïf, personnel et reconnaissable, son inspiration riche et profonde, sa culture religieuse manifestement élevée, le rendent intéressant et rendent ses œuvres immédiatement reconnaissables. Ce tableau est une oeuvre majeure pour l’histoire locale et l’histoire générale de l’art.

Martine ROUCHE
Guide conférencier

Impression
Version imprimable :